De l’air pur et de l’ombre
Août 2023
Ces dix dernières années, j’ai pris un grand plaisir à sillonner les crêtes des Alpes. A grimper les robustes arêtes qui se découpent délicatement dans le ciel.
Mais je remarque que plus les étés se réchauffent, plus je trouve mon refuge aux étages inférieurs. Du nival, je passe volontiers à l’étage alpin, où les dernières fleurs se battent pour leur survie grâce à d’ingénieuses méthodes qui leur sont propres. Puis j’apprécie davantage le passage à l’étage subalpin, où le végétal s’élance vers le ciel.
Quel plaisir après une longue balade sur les cimes, aux prises directes avec les rayons du soleil, de se réfugier sous la canopée. De se faire accueillir par l’ombre bienfaisante des aroles et des mélèzes. De respirer les vapeurs que ces essences dégagent, libérant par là même leur subtil parfum.
En m’intéressant aux fonctionnements des arbres, j’ai découvert une usine absolument fantastique.
Si aujourd’hui, une start-up inventait une machine capable de capter le CO2, la vapeur d’eau de l’air, ainsi que les minéraux de la terre pour restituer de l’oxygène tout en créant du sucre, on lui décernerait sans ciller un prix prestigieux.
A cela devrait s’ajouter le pouvoir de communiquer sans bruit, de s’entraider via un réseau invisible et de mémoriser les événements climatiques.
Alors que les végétaux et leur capacité de photosynthèse sont indispensables à la vie humaine et animale sur terre, comment se fait-il que nous les côtoyons avec une telle indifférence?
En me lançant dans ma formation d’accompagnatrice en montagne, je craignais que le savoir ne vienne écraser la fascination. Il en est tout autre. Plus je découvre, plus je m’émerveille et m’émeus devant cette Intelligence.
Et plus j’ai envie de transmettre ces merveilleuses découvertes à mon entourage et au public lors de mes randonnées.
Souvent, l’indifférence est issue de l’ignorance. Je pourrais m’enchaîner aux arbres que les municipalités veulent abattre. Manifester à grand bruit. Mais cela me détruit plus que me nourrit. L’échange et le partage d’émotions à l’ombre d’un mélèze valent milles tracs, j’en suis certaine. Telle est ma contribution à la préservation du vivant.
Les arbres n’ont pas besoin de l’humain pour vivre. Mais la survie humaine dépend, elle, des végétaux. Sachant cela, j’ai instauré un petit rituel. Offrir un arbuste à chaque nouvel enfant qui arrive dans mon entourage. Mieux qu’un doudou ou qu’un vêtement éphémère, l’arbre, une fois mature, fournira entre 15 et 30 kilos de surplus d’oxygène par an. Soit le dixième des besoins d’une personne adulte.
De l’air pur et de l’ombre, n’est-ce pas les plus beaux des cadeaux pour la génération suivante?
Découvrez le PDF de la chronique rédigée pour le magazine randonner.ch, septembre 2023